MIDO Ô BEBE
L'Observation Esther Bick
La Méthode
Esther Bick nous transmet “ on ne peut comprendre un bébé qu’après s’être laissé toucher par lui” (Esther Bick). Observer alors le bébé, observer le bébé et son parent, c’est accueillir en soi des émotions qui circulent avant de les comprendre. Cela implique d’être disponible à tout ce qui se présente. Cela suppose une attention aux corps plus qu’aux paroles échangées : rythmes, postures, tonus, regards, mimiques, voix .... Cela demande de se connecter à ce qui est éprouvé. Ce sont des moments intenses.
Cette méthode se réfère à la psychanalyse et s’attache tout particulièrement :
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à la relation qui se noue entre le bébé et son parent lors des premiers mois de vie,
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aux expériences corporelles et sensations du bébé en tant que fondement de ses états émotionnels et psychiques,
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au développement chez le bébé de capacités à ressentir à l’intérieur de lui-même des émotions,
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au développement chez le bébé de capacités de symbolisation (à travers son corps, puis le jeu, et enfin les mots).
Cette méthode implique une éthique : le bien être du bébé et de son entourage prévalent à toute autre chose. Elle nécessite un cadre spécifique et rigoureux. Elle se déroule toutes les semaines lors de trois temps différents : le temps de l’observation du bébé au sein de sa famille, le temps de la prise de notes, le temps de la discussion en groupe de travail.
Les trois Temps de l’Observation
" La Méthode d’observation suppose une présence attentive, suffisamment neutre de l’observateur, pour ne pas modifier les interactions et suffisamment engagée psychiquement pour développer sa réceptivité à la vie émotionnelle du bébé. Cela évoque la capacité négative de Wilfried Bion : se laisser surprendre, rester avec ce que l’on observe, bien souvent sans comprendre et sans savoir. Ce travail d'observation contient un potentiel thérapeutique en tant que l’observateur accueille dans sa psyché des fragments de la vie émotionnelle du bébé et tente ensuite de donner du sens à cette expérience ". (Odile Gavériaux, “ L’observation psychanalytique selon Esther Bick, un outil de soin pour que l’enfant constitue une veilleuse dans son monde interne “, interview 2002).
➜ Le Temps de l’observation
L’observateur a une position bien particulière, souvent différente de sa position professionnelle habituelle. Il a tout à apprendre de ce bébé-là, de cette famille-là. Il est neutre et bienveillant. Il ne fait pas référence à des savoirs théoriques. Il ne discrimine rien de ce qu’il observe. Il évite d’être actif : il n’intervient pas, il ne donne pas de conseils, il ne se substitue pas aux parents dans les soins à l’enfant. Si l’observateur paraît inactif, il est néanmoins très actif dans sa tête. Il s’agit d’être attentif, disponible psychiquement de façon continue. Il s’agit d’observer le comportement de l’enfant et toute la dynamique interactive avec son entourage. Il s’agit d’être réceptif par ses sens et son émotionnalité, de se laisser imprégner, toucher par ce qui émane du bébé.
➜ Le Temps de la prise de notes
L’observateur se remémore la séance, les liens entre les différents moments. C’est un temps laborieux : des perceptions sensorielles, des gestuelles, des émotions sont mises en mots par le travail de la pensée et de l’écriture.
➜ Le Temps de la discussion en groupe de travail
Il s’agit de partager des pensées autour de cette séance d’observation. Après la lecture à haute voix du texte écrit, chacun dit ce qui lui vient spontanément. On utilise un langage courant afin de se laisser guider par ce que l’on ressent, on se laisse surprendre par ce bébé-là, avec cette famille-là. Ce temps permet à l’observateur de parler, de « digérer » les émotions qu’il a ressenties, de se raconter une histoire de ce bébé-là, de cette famille-là. Cela assoit sa posture au fil des rencontres. Ainsi, la subjectivité de l’observateur, l’intersubjectivité du groupe de travail est-elle au centre de cette méthode.
Les applications de la méthode d’observation
“ L’observation des nourrissons a acquis ses lettres de noblesse. Sa technique éprouvée a été mise au point en 1948 dans le but de contribuer à la formation des psychothérapeutes d’enfants, puis des psychanalystes. L’expérience a montré aussi qu’elle offrait un remarquable moyen de formation à de nombreux spécialistes de l’enfance : puéricultrices, pédiatres, enseignants assistantes sociales etc … Outre cette fonction formatrice, elle s’est révélée être un outil de recherche irremplaçable sur la vie psychique et relationnelle des débuts de l’existence. Les données qu’elle apporte sont complémentaires de celles recueillies par d’autres méthodes d’exploration : études expérimentales des compétences du nourrisson, observation d’orientation éthologique … L’observation des nourrissons est spécifique dans ce domaine en ce qu’elle met l’accent sur la communication des émotions et sur leur lente élaboration en représentation, puis en pensées. Elle autorise de ce fait des hypothèses sur la vie intrapsychique des bébés. Enfin, son application a depuis longtemps montré l’aide qu’elle pouvait apporter à la dyade mère/enfant, voire à toute la famille nucléaire pour faire une place au nouveau venu et résoudre la crise d’identité inévitable à chaque naissance “. (Didier Houzel, “ Penser les bébés “, dans L’aube de la vie psychique, ESF Editeur, 2002).
➜ En tant que Méthode de formation
Ses qualités formatrices peuvent être regroupées en deux sortes : celles concernant le développement du bébé lui-même, et celles concernant la position de soignant, de thérapeute. L’observation participe à la naissance d’un regard et d’une posture de clinicien. Elle est utilisée en tant que formation aux psychothérapeutes d’enfants, et plus largement aux professionnels en contact avec les enfants et/ou leur famille. Avec la vie psychique.
➜ En tant que Méthode de soin
Nous retiendrons trois modalités de cette fonction thérapeutique : l’observateur accueille certaines émotions complexes de la part de la mère à l’égard du bébé (incapacité, agressivité …), la présence bienveillante de l’observateur soutient la fonction parentale, les parents adoptent le regard de l’observateur sur leur bébé. Les indications concernent tout particulièrement la petite enfance (enfants de moins de trois ans) dans les cas de troubles sévères, d’un contexte de grande vulnérabilité.
➜ En tant que Méthode d’évaluation
Cette méthode est un moyen de dépistage précoce des troubles : à partir de la rencontre avec les enfants et leur famille, elle sensibilise les équipes aux modalités infra-verbales d’expression de la vie psychique, en particulier de la souffrance psychique.
➜ En tant que Méthode de recherche
Cette méthode a donc pour objet d’étude la vie psychique et relationnelle des bébés. Elle apporte des données nouvelles qui ont suscité de nombreux modèles théoriques dont la pertinence est sans cesse réaffirmée dans la clinique. Elle est complémentaire d’autres techniques de recherche.
Cette pratique est à notre sens essentielle à la clinique :
elle est un arrière-plan à nos postures de soignants, elle est un préalable à toute forme d’évaluation, à toute forme de soins.